Frescaty BA-128. SAISON 3 Episode 1. LE CEP



Voilà enfin venu le temps d'aller au CEP.
Le "Centre d'exploitation Photographique".
Il y avait bien 900 mètres depuis le Mess, pour rejoindre ce service, toute une partie de la base à traverser. Le CEP était constitué d'un bâtiment bas, relié à un vaste hangar par une coursive.
 Vue du CEP, désormais disponible sur Google Earth, depuis la fermeture de la base BA-128. On distingue des gravats et des déchets.


Dans le bâtiment bas, des bureaux, une salle d'interprétation, un labo (on approche).
On m'attribue assez vite un bureau dans la première pièce en entrant.
Je serais en compagnie d'un Major, et d'un Adjudant Chef. Tous les deux sont très sympas. L'adjudant avait une expression bien à lui.
Pour me dire, "cela vous apprendra", quand il me confiait quelque chose à faire, c'était plutôt : "Ça vous fera la bite (ou le sexe), Aviateur".
En toute gentillesse, bien sûr.
Le bureau d'après est occupé par un Capitaine, d'une humeur variable et du commandant "T". Alors celui-là...
La coupe de cheveux au bol, et une allure très proche de Bérurier (de San Antonio) avec son uniforme régulièrement taché au retour du Mess, le pantalon trop court, la cravate aussi. Comme quoi, le prestige de l'uniforme n'est pas automatique.
De plus, il prenait un malin plaisir à rentrer dans son bureau directement par sa porte fenêtre, sans s'essuyer les pieds, tartinant régulièrement la moquette de boue. Cela devait l'amuser de savoir que c'était l'aviateur de permanence qui nettoyait. Nous y reviendrons.
Il témoignait aussi d'un manque de respect évident envers les appelés.

Plus loin, la salle d'interprétation. Je n'y suis entré qu'en de rares fois. Les militaires qui y travaillaient étaient très sympathiques et m'avait un peu montré leur travail. Penchés sur de grandes tables lumineuses, armés de compte fils de précision, il faisait défiler les longues bandes de KodakPlus X Aerographic 2402 qui venaient des magasins de film, installés dans les caméras OMERA dans le nez des Mirage IIIR. Les images négatives faisaient 12 x 12 cm. Ils étaient capables de distinguer les plus infimes détails sur les négatifs réalisés lors des reconnaissances et révéler de nouvelles installations ou autre. Cette salle était à accès restreint.
J'ai revu bien plus tard ce genre d'activité en entreprise, mais sur un écran, avec une souris, sur des images venant d'un ... satellite.
De l'autre coté de l'entrée, une salle des cartes avec de grands meubles à tiroirs plats remplis de cartes du monde entier. Elles étaient mises à jour à partir des images de la salle d'interprétation, par exemple.
Au bout du couloir le labo !!
C'est là que j'ai commencé à travailler en tant que laborantin. Un sergent était responsable du lieu. Développement E6, C41, tirage couleur.
Coté hangar, dans le bâtiment attenant, un labo noir et blanc, une imprimerie et bien d'autres bureaux. Le CEP fournissait en fait tout ce qui était documentation, reproduction, manuels, invitations, cartes de visite, livrets et c'était ce service qui effectuait les photos des appelés lors des classes.
Dans le hangar même, dans un angle, le bar du CEP !

J'ai retrouvé au CEP des relations normales (à quelques exceptions) avec une hiérarchie du type ce celle que je retrouverais en entreprise, plus tard.
J'ai parlé du Commandant "T" (bérurier). Il était donc désagréable avec les subalternes. Soit.
Mais ce genre d'individu n'est pas spécifique à l'armée.
Je l'ai mal vécu à l'époque, mais, 9 ans plus tard j'ai intégré une société d'informatique industrielle et là...
Là, le patron, que j’appellerai Bernard par exemple, était BIEN PIRE que le commandant. Il n'avait aucune considération pour ses employés, leur parlait comme à des chiens et j'ai même vu sortir des cadres en larme de son bureau après s'être fait copieusement insultés. Et oui.
Donc, non, l'armée n'était un réservoir exclusif aux "petits chefs" et autres dictateurs...
J'ai même vu encore pire, près de 20 ans après Metz, dans un grand groupe Aéronautique. Le responsable informatique était tout bonnement un véritable dingue, responsable de nombreux "burn-outs" dans ses troupes. Les réunions étaient de véritables pelotons d'exécution, j'en ai vécu certains. Et il sévit encore...Bref, reprenons.
Relations plus normales, donc, mais il y a donc des personnes avec qui cela s'est mieux passé que d'autres. C'est normal.
Mis à part le Commandant "Bérurier", un adjudant m'avait dans le nez.
En effet, j'étais parvenu à me faire exempter de sport et de port de charge lourde, grâce à des problèmes au dos, plus ou moins avérés. Je l'avoue.
Cela ne lui plaisait pas. Donc, il a trouvé un moyen de me mettre une contrainte en se faisant plaisir. J'ai été promu comme "aviateur de permanence prioritaire" !
Le soldat de permanence restait une semaine sur place, au CEP, 24/24 7/7.
Il déjeunait au mess avec les autres, mais, une fois la journée terminée et les bureaux vides, il restait pour :
- nettoyer les toilettes,
- les douches,
- les couloirs,
- et, et ... le bureau du Commandant avec sa moquette boueuse....

Je peux vous dire que j'ai passé des heures, à genoux à aspirer la poussière et la boue de cette satanée moquette bouclette marron. Je l'ai maudit ce Commandant ! Une fois les tâches ménagères terminées, j'avais le droit de regagner ma chambre qui était entre le bureau du Major et celui du Commandant. Une petite pièce, de 2 m X 3m avec un lit, une armoire, une table, une petite télé, un micro-onde. Micro-onde parce que les repas étaient livrés par l'intendance, tous les soirs, dans une boite isotherme, comme lors des gardes du centre de télécommunication.
Une nuit, je fût réveillé en sursaut par des coups frappés à la porte d'entrée vitrée. Habillage en vitesse, je franchis le couloir au pas de course pour voir derrière la vitre un Cyno faisant sa ronde avec son Rintintin.
Il s'assurait que tout allait bien (et que j'étais bien là, par la même occasion).
J'assurais donc des permanence environ une semaine sur trois, bien plus que les copains qui acceptaient de courir (j'ai toujours détesté le jogging). Cela limitait, de fait, le nombre de week-end chez moi.

Quelques semaines après mon arrivée, il y eut une petite cérémonie consistant à donner le badge du CEP aux nouveaux appelés.
Cela s'est déroulé, au bar. Le principe est simple. Le badge est mis dans un verre. Le verre est rempli de : vin blanc, sirop de cassis. Jusque là, un Kir.
Ensuite, ils complétaient avec : vinaigre rouge ou blanc (au choix), poivre, sel, et éventuellement sucre.
Pour vraiment faire partie du CEP, il suffit de boire le verre et d'attraper le badge. Simple.

Progressivement, j'ai eu des tâches réellement photographiques à réaliser.
J'ai appris à développer l'E6 en cuve ouverte, par exemple.
Les bains étaient disposés dans 7 cuves cylindriques verticales, simplement couvertes par un couvercle limitant l'oxydation.
Dans l'obscurité totale, il fallait mettre les films sur spire (type Paterson) les enfiler sur un long axe, et les plonger, le temps nécessaire, dans les différentes cuves.La lumière pouvait être rallumée pendant le blanchiment.
L'ensemble des cuves étaient insérées dans un grand bac en plastique gris, rempli d'eau à la bonne température (38°C).
Quel plaisir, une fois la lumière rallumée de contempler les petites "diapos" ruisselantes !

Pour info, rappelons l'enchainement des opérations :
Bain 1 : Révélateur Noir et Blanc,
Bain 2 : Lavage,
Bain 3 : Révélateur Chromogène,
Bain 4 : Lavage,
Bain 5 : Blanchiment-Fixage, les opérations peuvent désormais se faire à la lumière,
Bain 6 : Lavage,
Bain 7 : Stabilisant.

Ensuite, séchage en armoire.

J'en ai développé quelques centaines !
Y compris quelques films de vacances d'adjudant ou de sergent...
En contre partie, j'ai eu, un jour, une boite de 30 m d'Ektachrome. Je peux le dire, aujourd'hui !
Encore une fois, nous représentions, nous les appelés, une bonne partie du personnel du service. J'estime, avec le temps qui est passé, à un bon 30% d'appelés. Ce qui est beaucoup pour un service. Une entreprise ne prendra jamais une proportion pareil de stagiaires...Mais là, à la différence des Fusco, les métiers du CEP pouvaient être facilement enseignés aux appelés, la plupart très motivés par la photographie.

A bientôt !

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