BA-128 Frescaty SAISON 2 Episode 1

Comme prévu, vint le jour de la migration sur base.
Je savais maintenant que j'étais versé au service photographique de la base !
Nous avons dû nous grouper par paquet de 21 dans la cour du fort, à attendre notre nom.
En rang, en uniforme bleu, avec le gros paco à nos pieds. Dans le froid, toujours.
Nous étions, depuis notre passage sous les drapeaux, des Aviateurs.
Tous impatients de quitter le fort et d'aller sur cette sacrée base. Pour ma part, j'étais impatient d'aller dans ce service photo.

Mais la surprise est arrivée à ce moment là.
Un certain nombre d’entre nous a été appelé séparément des autres.
Alors que la majorité des camarades montaient dans des bus, nous nous sommes vus dirigés vers les banc en bois dur d'un Berliet GBC....
Inutile de dire que l'on se sent un peu... anxieux.
Une fois installés à l'abri, relatif, des bâches du camion, le convoi démarra.
Il devait y avoir 2 GBC et 4 bus.
Cette fois nous avons bien suivi les panneaux "Base Aérienne", et franchi le portail. Mais, arrivés devant le mess, les bus se sont garés et nos camions ont continué pour entrer dans un enclos grillagé juste en face. Une base dans la base en fait.
La ridelle a été rabattue et un comité d’accueil de militaires peu aimables nous a accueilli avec un " Bienvenue chez les Fusco" bien sonore.
Les portes grillagées ont été refermées.
Les Fusco (ou Cocoyes) sont les Fusiliers Commando de l'Air. Ils participent avec les pompiers et les maitres chiens, à la sécurité d'une base Aérienne. Entres autres.
Nous voilà donc aux cotés des Cocoyes...
Bon, au premier abord, ces gars là ne sont pas des rigolos.
Au deuxième aussi, d'ailleurs.
Nous avons vite compris que l'uniforme bleu n'allait pas beaucoup servir.
Je passerai deux mois avec eux. Deux mois pendant lesquels j'ai TRÈS peu dormi !
Pensez, rondes, gardes avions, corvées, séances de tir, tenue du bar (très important), etc, etc.
Cela a commencé par la suite de l'instruction militaire de base de la période Plappeville. En plus sévère.
Quelques fusco étaient des gars qui devaient avoir participé à des situations de guerre et il était très clair qu'ils s'emmerdaient ferme sur cette base en temps de paix, sans action.
J'ai d'ailleurs eu droit à quelques réflexions qui montrait bien que nous n'avions aucune valeur de soldat à leurs yeux (du genre "tu t'es jamais pris une grenade dans la gueule, toi, le bleu bite !").
"Bleu bite", pfff, ça faisait déjà 3 mois que j'étais là, quand même.

Ils nous ont appris a utiliser un PA (pistolet automatique). Nous avons donc eu quelques bases avec un MAC50 . Ainsi que les procédures à suivre, en cas de besoin, lors des futurs tours de garde.

Nous aurons ensuite des séances de tir. Nous verrons cela plus tard.
L’apprentissage des procédures se déroulaient dans la cour grillagée sur le côté du bâtiment. Nous avions donc un MAC50 chargé à blanc, et l'instructeur venait vers nous comme un intrus. Nous devions égrainer les sommations réglementaires, comme celles-ci, consultables sur le site de la défense (il manque le "qui va là" que j'ai appris) :

Article R2363-5

Créé par Décret n°2009-1440 du 23 novembre 2009 - art.

Dans le cas d'une intrusion ou d'une tentative d'intrusion d'un ou de plusieurs individus au sein d'une zone de défense hautement sensible, hormis les cas de légitime défense, le militaire chargé de la protection doit, pour faire cesser cette action, avant de faire usage de son arme, procéder aux sommations suivantes :

1° Il annonce son intention d'empêcher ou d'interrompre l'intrusion en énonçant à voix haute : "Halte" ;

2° Il procède à une deuxième sommation, si le ou les individus n'obtempèrent pas, en énonçant à voix haute : "Halte ou je fais feu" ;

3° Il procède à une troisième et dernière sommation, si le ou les individus n'obtempèrent pas à la deuxième sommation, en énonçant à voix haute : "Dernière sommation : halte ou je fais feu".

Lorsque le militaire intervient avec un chien, la deuxième et la troisième sommation sont remplacées par la suivante : "Halte, attention au chien".

Dans tous les cas, il ne doit être fait usage que de la force armée absolument nécEssaire.

Nous devions aller jusqu'au bout des sommations et tirer sur l'instructeur.
Ca fait bizarre la première fois.

Au tout début de mon séjour, une nuit, je suis réveillé vers 2h du matin, par une ombre qui me dit : "il faut que tu prenne la garde à 3h, à la place d'Antésite, tu vas à 2h30 à l'armurerie".
Et l'ombre disparait dans le couloir. J'étais à peine conscient quand la porte s'est refermée... J'avais le lit près de la porte, pas de chance.
J'ai compris en arrivant à l'armurerie, que je m'étais fait piéger. Comme un bleu. Je faisais le tour de garde d'un autre, qui était resté au lit...
Cela n'arrivera qu'une fois....
C'était pour une "garde Avion" :
Après l'armurerie, une dizaine de soldats en treillis grimpent dans un GBC avec chacun un MAT49 et en route sur la base.
Le camion s'arrêtait régulièrement et larguait deux soldats en en reprenant deux autres en faisant le tour de la base. La relève de la garde.
Je suis descendu avec mon binôme et nous nous sommes retrouvés dans le noir.
Sur le bord de la piste. "garde avion" ça s'appelait.
Pas vu l'avion cette nuit là. Ni le visage de mon binôme.
Nous ne devions pas parler, pas fumer. Et être attentifs.
On disait que les fusco pouvaient nous tester en venant nous surprendre.
A nous alors de dérouler la procédure, "Qui va là ?", "Halte", "Halte ou je tire". Je crois me souvenir que le MAT49 était plombé, où en tous cas, il fallait casser un scellé pour s'en servir.
Deux heures par -5°C à faire les cents pas, sous le ciel rendu rendu orange au nord, par les lumière de Metz.
La garde terminée nous étions content de retrouver les bancs glacés du GBC et ses bâches qui volaient au vent, en laissant nos remplaçants à peine réveillés à notre place. Et ensuite le lit, pour deux malheureuses heures.

J'ai eu à tenir le bar une fois. Tous les services d'une base avaient un bar dédié dans ses locaux. Pas grand, mais bien garni en bouteilles, il était ouvert le matin vers 10h et dans l'après-midi je crois.
Il y avait un sous-off qui sortait souvent du bar passablement éméché. Celui qui parlait de grenade. Il avait dans ce cas là, les intonations de Bigard, dans le sketch du "mec bourré", allez savoir pourquoi !
Je ne veux pas donner l'impression de généraliser pas en décrivant ainsi les gradés ou les Fusco.

Mais lors de ce séjour, sur cette base, à cette époque, c'est ce que j'ai vu.
Nous avions fini par avoir des relations normales avec le Sergent M à Plappeville, cela ne sera pas le cas avec les cocoyes. Surtout avec certains qui étaient sévèrement caricaturaux.

Séance de tir :

Ça, c'était sympa. Encore un petit voyage en GBC (J'ai fini par aimer ce bruit de diesel)
Nous arrivons sur une base aérienne abandonnée. Des bâtiments à un étage alignés à gauche, délabrés, et à droite, comme un blockhaus ouvert d'un coté rempli de sable.
Cela devait être sur la base de Chambley, qui servait à l'époque de terrain de manoeuvre pour l'armée de l'air et qui était assez proche de la BA128.
Cette base avait été construite à partir de 1952 et a vu arriver les avions de l'USAF en 1953. Ils en repartiront en 1967 après que le Général de Gaulle ait vexé l'OTAN...
Les GBC se sont garés, nous avons disposé des barrières pour délimiter le pas de tir et nous avons eu notre séance. Par paquet de 4.
D'abord au MAT49, ensuite au MAC50.
Nous avons eu droit à des instructions très strictes et une mise en garde particulièrement menaçante dans le cas ou nous nous retournerions avec l'arme à la main... Normal, nous ne manipulions pas des pistolets à bouchons.
J'ai bien aimé le MAC, moins le MAT. Celui ci montait vers la droite dés les premières balles. Dur d'atteindre la cible.
A noter aussi que je n'ai entendu que la première balle, ensuite, les oreilles sifflaient sous le casque lourd, c'est à peine si l'on entendait les ordres.
Une fois notre tour terminé, les encadrants se sont défoulés en vidant plusieurs chargeurs dont ils avaient rempli les poches de treillis. Genre Rambo qui venait de sortir (Sortie 2 mars 1983 en France).
Là, où ils nous ont un peu sidéré c'est quand ils ont décidé de tirer, non plus sur les cibles et la butte de sable, mais sur les bâtiments abandonnés !
Inutile de dire que les dernière vitres ont disparu sous les assauts des 9 mm.
La, c'était plutôt "Predator".
Après ce moment de détente pour militaires qui s'ennuyaient, nous sommes remontés dans les camions.
Nous n'étions que deux dans le mien, le plancher étant encombrés par les barrières métalliques qui avaient délimité le pas de tir. Nous avons fait un petit somme, chacun couché sur une barrière grillagée, emmitouflés dans la parka... Un petit plaisir chez les Fusco !

Autre souvenir, une vraie galère...
Nous sommes conviés à quelques travaux divers sur la base abandonnée de Grostenquin.
Ancienne base immense de l'Otan, utilisée de 1952 à 1964 par la RCAF cette fois (Armée de l'air Canadienne) . Photos ICI.
70 kilomètres en bus (quel luxe). Nous arrivons sur un immense domaine envahi par la végétation. De 1964 à 1979 elle avait été presque totalement à l'abandon.
Depuis, elle était utilisée alors comme polygone de guerre électronique.
Nous y sommes envoyés pour mettre en place des équipements pour la venue d'un gradé. Et peut-être ranger un peu et faire le ménage sur le passage du convoi !
La base est impressionnante, les bâtiments en ruine s'étendent à perte de vue. Il reste un théâtre, un booling, une piscine. Lors du passage du convoi officiel, nous devions rester hors de vue. C'était une constante alors de cacher les troufions au passage d'un haut gradé.
Nous nous sommes caché dans l'ancien mess.
Je me souviens de cette impression bizarre de ce mess ayant conservé les meubles libre service avec les glissières pour poser les plateaux et les sanitaires avec leurs robinets Américains encore parfaitement chromés.
De l'URBEX avant que le mot n'existe. Je n'avais malheureusement pas d'appareil photo, son utilisation en aurait d'ailleurs été proscrite.

F-86 devant le hangar de Grostenquin

Nous sommes ensuite retournés dans un immense hangar (qui abritait les F-86 Sabre à l'époque OTAN).
On nous a dit que les Canadiens, tellement énervés et en colère de quitter la base en 64 avaient cassé un maximum d'équipement. Les circuits haut tension fondus en étaient la marque, parait-il. Je n'ai jamais su si c'était vrai.
Nous avons eu l'un des meilleurs repas que j'ai eu durant cette année.
Préparé sur une "roulante", par un cuisinier appelé, aux mains pleines de pansements, à cause des brulures sur la roulante brulante.
C'était super bon ! Il y avait des tables dans le hangar, à coté des tente SAGA montées en intérieur, pour les troupes qui restaient là.
Nous avons pas mal attendu sur cette base, jusqu'à ce que le lieutenant nous accompagnant donne l'ordre du retour à la base.
Bien mal lui en a prit...
Nous remontons dans le bus et repartons à Frescaty.
Une heure de route, le bus entre sur la base et se gare devant le Mess. Nous avions faim après avoir somnolé dans le bus.
Soudain, une 305 grise se gare à coté "à la Starsky" et un capitaine en surgit comme un diable de sa boite, s'en prenant vertement au lieutenant qui descendait à peine.
Le lieutenant n'avait pas reçu l'ordre de partir de Grostenquin et le capitaine nous avait poursuivi pour le lui faire comprendre !

Sanction ?
Retour à Grostenquin pour tout le monde !
Nous n'étions même pas descendus du bus...
Nous avons donc refait le chemin encore une fois.
Mais où allions nous dormir ? (c'était une grosse préoccupation le sommeil). Et manger ?
Et bien, dans les tentes SAGA dans le hangar, voyons !
Et pour le repas, les restes de la roulante.
Ceci dit, nous avons eu bien moins froid que durant les manœuvres, mais nous n'avions pas de sac de couchage, puisque l'invitation du capitaine à rester dormir n'était pas prévue...
Encore une fois, merci à la parka.
Autant je ne me souviens pas de nom ou de visage précis de mes camarades "de classe" à Plappeville, autant sur c'est sur base que j'ai commencé à rencontrer ce que l'on appelle des copains d'armée (!).
Tout d'abord un appelé qui, lui aussi, était monté dans un GBC pour quitter le fort et se retrouver chez les Fuscos, à la différence qu'il y est resté pour le reste de son année. Pas cool.
Appelons le par exemple "Alain", je me souviens de lui, parce qu'il passait un temps fou à camoufler sa coiffure blonde limite réglementaire (avec une mèche qui revenait devant) sous son berêt de fusco (les Fusco n'ont pas de calot).
Il n'arrêtait pas de parler de Maze, The cure et de la ville de Tarbes je crois.
Il devait y avoir une fille, là-bas...
On a passé de bons moments ensemble...
 Un dimanche d'été sur la BA-128

Les week-ends étaient longs. Nous étions alors libres d'évoluer sur la base ou d'en sortir. Mais finalement, avec le peu de moyens dont nous disposions, les week-ends étaient souvent passés sur base à lézarder au soleil, à lire, a écouter de la musique. De plus, finalement, les repas y étaient gratuits !
C'est lors de la première sortie que l'on découvrait d'ailleurs la version civile de nos comparses. Pour quelques fois se rendre compte que l'on aurait jamais sympathisé avec un gars qui avait un look pareil !
C'est aussi l'avantage de l'uniforme.
Les autres rencontres se feront plus tard, quand j'aurais quitté les Fusco.
La suite du séjour chez les cocoyes bientôt.
Nous verrons comment étaient organisées les journées, un peu précisément. 
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Commentaires

  1. Anonyme3:45 AM

    Bonjour,
    j'ai pris plaisir à lire ce récit que j'ai trouver par hasard. j'ai été "fusco" de 92 à 94 à frescaty, je me souviens bien de ce dédain pour ce que nous appelions nous les "gris" ... les gris de l'époque étaient les filtreur du PC de protection , les gardes barrières en somme. ils logeaient au rez de chaussé du bâtiment juste à coté de l'entrée pour les chambres.
    il est vrai que pour la plus part d'entre nous , ils étaient un peu les déclassés de l'armée de l'air. ça venait de la formation que nous avions reçu au camps de Drachenbronn ou l'ont nous enseigner que nous étions l'unité combattante de l'armée de l'air , les durs ... d'ailleurs quand un fusco louper ses classes , il était "déclassé" et devait porter par la suite une "nenette" , presque un symbole d'humiliation selon nos instructeurs de l'époque.
    Bref tu étais donc un "gris" , ton ami a surement servi de chauffeur pour l'unit" le reste de son service, si mes souvenirs sont bons , un "gris" était choisi de temps a autre pour tenir ce rôle au sein de l'unité. En tout cas je m'en vais lire la suite. ;-)

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