LES COLORAMAS, LES PHOTOGRAPHIES LES PLUS GRANDES DU MONDE :

Cette fois, veillez me pardonner, mais il ne s'agit pas d'un post au sujet d'un appareil photographique numérique...

Mais le sujet, photographique s'il en est, vous intéressera, j'en suis sûr !


Les "COLORAMAS KODAK" ont décoré le balcon Est de la Gare Central de New-York (Grand Cental Terminal) pendant 40 ans !
Cette gare devint l'un des bâtiments Américains les plus célèbres au 20ème siècle.
Les COLORAMAS de 5,47 m par 18,24 m accrochés dans cette gare, furent tout aussi célèbres.

En 1950, Adolph "Ob" Struber et Waldo Potter, cadres supérieurs chez Kodak, département Marketing & Publicité, furent chargés de proposer une idée de publicité, qui se situerait dans la grande gare.
Les deux hommes se souvinrent de la projection géante en couleur mise en place par leur société, lors de la grande exposition de 1939, qui avait eu un énorme succès.
Ils pensèrent qu'une idée du même ordre pourrait fonctionner...

Mais, il était évident qu'une projection d'une telle taille n'aurait pas un rendu suffisant, à cause de la lumière ambiante, trop importante, dans la grande galerie. Ils proposèrent alors une alternative audacieuse, une diapositive géante rétro-éclairée !!!

"Colorama", édité par Aperture. LE livre consacré à ces diapositives géantes. Ce livre est désormais extrèmement difficile à trouver. J'ai un exemplaire en trop, si vous êtes interessé, faites le moi savoir...


Les thèmes :

Les COLORAMAS présentaient une Amérique florissante, renaissante après la seconde guerre mondiale.
"American Dream" et "American Way of Life" qualifient assez bien ces grandes images. Montrant des scènes de la vie quotidienne, de voyages, de compétitions sportives. Ils étaient l'expression d'une époque, d'une atmosphère. Insensibles aux modes, aux mouvements, les Coloramas respectaient presque toujours ce thème.

La plupart du temps, au début en tous cas, un photographe, utilisant un appareil ou une caméra, Kodak bien sur, était dans le champ. Chaque spectateur pouvant d'identifier à lui, et s'imaginer photographier ces superbes scènes.
Ils représentaient des photographes amateurs, généralement en couple. Couples jeunes et à l'allure sportive, accompagnés de deux enfants, un garçon, une fille. L'homme, aussi bien que la femme pouvait être le photographe, mais l'homme l'était deux fois plus souvent (la parité n'était pas à la mode).
Dans l'ordre hiérarchique, l'homme photographiait la femme, la femme elle, photographiait ses enfants, et tous pouvaient immortaliser un paysage !
Quand la famille étant "étendue", les grand-parents apparaissaient !
Le premier Colorama, en juillet 1950, représentait une scène dans une ferme, et il employa pour cela bon nombre d'employés de Kodak, avec leurs familles, comme figurants !
Les premiers Coloramas furent élaborés en premier lieu sous forme d'aquarelles, par les les directeurs artistiques de la firme. Ensuite, cette conception fut réalisée par sociétés spécialisées, et le célèbre illustrateur Norman Rockwell, fut par exemple, directeur artistique sur un des Coloramas en 1957.
Bien que les Coloramas n'étaient pas prévus pour afficher des images d'actualité, il y eu des exceptions. Citons le Colorama représentant le paquebot FRANCE, entrant dans le port de New-York. Moins de 80 heures s'écoulèrent après l'arrivée du paquebot jusqu'à ce que le Colorama ne fut accroché. Les passants matinaux furent émerveillés de voir cette image géante se dérouler, puis s'illuminer et, de la foule, les applaudissements montèrent spontanément. Un grand moment, à n'en point douter !


Un Colorama consacré à Apollo 11 fut aussi créé, créant, lui aussi, l'évènement.

En tout état de cause, les Coloramas étaient toujours optimistes et positifs.


Les appareils :

Il y eut 6 types d'appareils utilisés. En premier, une chambre grand format 8x10 pouces (18x24 cm) fut utilisée. Mais, peu maniable, elle fut remplacée par la Deardoff Banquet, au format dément de 8x20 pouces, soit 18x48 cm !! Cette chambre était maniable, fiable, transportable et fut utilisée pendant 15 ans. Prés d'un tiers des Colorama furent réalisés avec cet appareil....

Ensuite, vint le tour de la Fairchild K-38 Aerial. Un appareil au format 9x18 pouces (22x45 cm). Cet appareil, tout en métal, utilisait un film spécial en rouleau, avec dispositif d'avancement et un obturateur focal rapide. Mais, la mise au point était calée à l'infini. Si l'on voulait faire le point sur un sujet plus proche, il fallait insérer des cales derrière l'objectif, et ceci, avant de charger l'appareil. Légèrement contraignant ! Cet appareil était fabriqué par Fairchild Aviation Corporation, et a été largement utilisé lors de la guerre froide, de mi-50 aux années 60. Il équipait le célèbre avion espion U-2. Il fut notamment utilisé pour un Colorama consacré aux Blue Angels, la formation aérienne de l'U.S. Navy

L'appareil suivant fut un Deardorff 5x10 pouces (12x24 cm), réellement portable et utilisable à main levée...

Au début de 1976, les Colorama furent réalisés avec un appareil Linhof Technorama utilisant le film standard 120, réalisant 4 clichés par rouleaux. Le format d'une image était 6x17 cm. Les Linhof technorama sont encore disponibles aujourd'hui, aux environs de 2000 €.

Enfin, en 1986, les Colorama furent réalisés à l'aide de 24x36 mm.... Les progrès réalisés sur les films permettaient maintenant d'utiliser un format réduit, sans perte notable de qualité... L'agrandissement atteint était de 516 fois ! Les plus sceptiques durent reconnaître la qualité de ces agrandissements.

Un détail intéressant, le film utilisé au début de l'aventure, L'Ektacolor, avait une sensibilité de 5 ISO (Qui étaient des ASA à l'époque). Ce qui signifiait une pose de 1 seconde à f/32, en extérieur ensoleillé, afin d'avoir une profondeur de champ étendue !
Inutile de dire que les ombres marquées devaient étre débouchées. Pour cela des dizaines de lampes flashes étaient grillées à chaque prise de vues. Ensuite les lourds flashes électroniques apparurent, mais s'il avait l'avantage de pouvoir générer de la lumière à l'infini, il nécessitaient de l'électricité, beaucoup même ! Leur emploi en extérieur impliquait littéralement plusieurs tonnes de matériel.... Les premiers flashes étaient des Edgerton ou encore des Ascor.
Au sujet des films, il faut aussi noter que les premiers Ektacolor avaient une finesse de grain équivalente aux films actuels de 800 ISO poussés à 1600...

Autre "détail" stupéfiant. Le Kodachrome était disponible depuis 1935. Mais le public préférait les tirages papiers. Hors le tirage des diapositives Kodachrome sur papier était réalisé par des laboratoires spécialisés, très onéreux. Kodak ne pût proposer un film négatif qu'aprés la guerre, en bénéficiant des retombées de celle-ci, si l'on peut dire. En effet, quand les forces Américaines prirent l'usine Allemande Agfa à Wolfen, prés de Liepzig, le gouvernement Américain déclara que les secrets de fabrication des film négatifs lui revenait, en tant que dette de guerre. Les secrets en question furent donc distribués aux fabricants de films, dont Kodak ... Ainsi, dés 1949, Kodak était capable de fournir un film négatif couleur, qui s'appellera Ektacolor. Ce film fut utilisé pour produire les Coloramas,avec le succès que l'on sait, et, en 1955 lorsqu'il sera proposé au grand public, pour la prise de vue amateur, Kodak s'emparât du marché !!!


Les photographes :

Les Coloramas étaient entièrement réalisés par des employés de la société Kodak. Les 3/4 des photographes étaient eux-mêmes des employés de la firme ! Il était fréquent qu'ils travaillent à deux sur une scène.
Les autres étaient des photographes de renom tes que Ansel ADAMS, Ernst HASS ou Eliot PORTER par exemple.


La méthode :

L'agrandissement maximum possible à l'époque était de 45 fois. Mais ce n'était pas tout à fait suffisant. Pour couvrir la surface
désirée, la solution était une image centrale de 5,47 m de haut et de 10,94 de large, complétée par deux autres images de
3,64 de large.

Un agrandisseur spécifique fut construit, permettant d'agrandir les négatifs issus des appareils, eux aussi assez particuliers. Une lampe d'éclairage de piste d'atterrissage de 1000 watts était nécessaire.
Prés de 135 m de film était nécessaire lors des tests !

Les photos étaient agrandies sur 41 bandes d'Ektacolor inversible. Par la suite,la technique ayant évolué, 20 bandes "seulement" étaient nécessaires.
Le temps nécessaire à l'agrandissement de ces bandes était de plus de 16 heures, dans le noir total, bien sûr.
Durant les trois dernières années, à partir de mars 1987, le DURATRANS, remplaça le film, en bandes de 1,82 m. Il était beaucoup plus facile à traiter que du film positif. Le DURATRANS était en fait un plastique transparent.


Une fois les bandes de film impressionnées, elles étaient développées, et mise à sécher une nuit, dans le complexe sportif du site Kodak, seul bâtiment assez haut pour les accueillir !
Elles étaient ensuite retouchées, l'agrandissement important révélant des défauts invisibles jusqu'alors. Le Colorama prenait forme, en assemblant les bandes à l'aide de ruban adhésif spécial, puis plus de 300 oeillets en cuivre étaient installés sur la périphérie , elle-même renforcée. Une solution aqueuse, anti-reflet (la gare était très lumineuse ) était ensuite passée au pistolet sur toute sa surface.

Puis, la piscine abandonnée du centre sportif de l'usine Kodak était utilisée pour suspendre le Colorama et l'inspecter minutieusement avant l'emballage en caisse et l'expédition à la gare centrale. La livraison des nouveaux Coloramas s'effectuait à 7h00 précises !
Le Colorama était enroulé sur un axe, installé verticalement. Puis, mécaniquement, le Colorama se déroulait doucement, laissant le temps aux techniciens, d'accrocher les oeillets sur des crochets. Finalement le Colorama était parfaitement plant et tendu. Il était éclairé par plus de 1600 mètres de tubes fluorescents.

565 différents Coloramas furent exposés, avec une fréquence de rotation de trois semaines. La société KODAK payait 500 000 US$ par an, pour louer l'emplacement dans la gare...

On estime que ces Coloramas étaient vus pas quelques 650 000 personnes par jour !! Rappelons tout de même que pas moins de 500 trains quotidiens partaient ou arrivaient dans cette gare géante.... Une visite sur le site officiel de la gare, vaut largement le détour.
Une étude menée en 1987 estima à 78 millions de personnes par an à avoir vu ces photographies géantes !

Le tout dernier Colorama fut exposé de Novembre 1989 à Février 1990. Durée exceptionnelle, mais étant donnée la symbolique véhiculée par cette dernière image, les travaux de restauration de la grande gare furent réorganisés pour permettre cela. Ce dernier Colorama représentait une vue spectaculaire de New-York, avec une pomme rouge suspendue dans le ciel (seule retouche numérique employée sur tout le programme). Le photographe était Normann Kerr. La pomme rouge était juste à coté de la tour gauche du World Trade Center....

Les négatifs sont précieusement conservés au sein de la prestigieuse "Georges Eastman House Collection"....

Aujourd'hui, quelques New-yorkais jètent encore un coup d'oeil vers le balcon est, dans l'espoir, toujours déçu, de voir un Colorama illuminer leur journée...

Pour voir des Coloramas, allez sur le site de , un petit diaporama est disponible. Sinon, un autre, en flash est disponible chez Kodak...

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