CE QUE LA PHOTOGRAPHIE NUMERIQUE A CHANGE (PART XIII)


Voir le résultat tout de suite, ce n'est pas si nouveau que cela !

Gare de Bruxelles-Midi, voies 7 & 8

On parle beaucoup de l'instantanéité de la consultation des images numériques.
Comme si cette performance n'était dûe qu'à notre belle ère numérique.
C'est oublier complètement qu'en 1947, la chose était déjà possible.
Que mes fidèles lecteurs ne m'opposent pas : " ce n'est pas la même chose". J'en connais qui en seraient capables !
Je parle du fait de voir, et vérifier, pour éventuellement refaire, sa prise de vue tout de suite, ou dans la minute.
1947 ?
Oui !
C'était de la magie ?
Non,
C'était Polaroid !!

Grace au génial docteur Land, dont je vais essayer de brosser un portrait.

Edwin Land, un véritable Génie :

C'est pour éviter les persécutions dont étaient victimes les Juifs en Russie, durant le règne d'Alexandre III, qu'Avram Salomonovitch, sa femme Ella, et ses fils Harry, Sam et Louis, s'embarquèrent à Odessa pour rejoindre les Etats-Unis. Il arrivèrent à Castle Garden, à New York. Comme tant d'émigrants arrivant dans ce pays à l'époque, il achetèrent le nom de « Land » et le grand père Américanisa son prénom en Abraham .

Une fois en Amérique, Abraham et Ella eurent deux autres fils et trois filles. Abraham créât une entreprise de récupération de métaux. La plupart des enfants du couple s'installèrent à Brooklyn, où deux des fils devinrent avocats, tandis que le troisième devint associé d'une société de construction mécanique. Les trois filles se marièrent avec, respectivement, un avocat, un architecte et un commerçant.

Plus tard, Harry reprit l'affaire de son père, et cela le conduisit à Bridgeport, Connecticut, puis, à Norwich, Connecticut. Lui et sa femme Matha Goldfaden, eurent une fille, Helen, et en 1909 (Harry avait 36 ans), un garçon qui fut baptisé Edwin Herbert Land. Helen trouvait ce nom un peu dur à dire, et rapidement trouva un surnom, Din, qui resta collé à la peau d'Edwin tout sa vie.

En 1929, Din prit pour femme Helen (Terre) Maislen de Hartford, Connecticut. Ils eurent deux enfants, Jennifer Land Dubois et Valerie Land Smallwood (!).

Mais revenons à Edwin et à la photographie.C'est à Din que nous devons l'appareil magique ...

Depuis tout petit, il était fasciné par les kaleidoscopes et les stéréoscopes, que l'on devait à un scientifique Britannique,
David Brewster. Il lut le livre de Robert W. Wood « Physical Optics », dont la première édition datait de 1905. Néanmoins, ce livre fut cité en 1911 dans un article de l' Encyclopedia Britannica, consacré à la lumière polarisée. Edwin lut la deuxième édition de ce livre, celle de 1915, « comme la bible » disait-il, passionné.

A l'age de 13 ans, la fascination d'Edwin pour la polarisation fut plus forte encore, alors qu'il était dans un camp de vacances. Un soir, le chef du camp, utilisant un cristal de spath d'Islande
, fit disparaître la lumière de la lampe, au-dessus de la table. Durant ces vacances, le bus du camp rentra dans la remorque d'un paysan, arrêtée sur la route sans véritable éclairage. Edwin pensa qu'il fallait que les lampes devaient êtres plus puissantes, mais comment éviter d'aveugler les automobilistes arrivant en face ? L'idée de maitriser les rayons lumineux restera son Graal...

En 1926, alors que sa soeur étaient diplomée du Collège Wellesley, il entra au
Collège Harvard. Trop impatient d'en découdre avec ses problèmes de lumière et d'optique, il partit quelques mois plus tard à New-York, où il passait ses journées à lire à la grande bibliothèque de la ville, et à faire des expériences. Il les commença dans son petit appartement, en se basant sur les expérience de William B. Herapath. Celui-ci avait, au 19ème siècle, tenté de fabriquer des cristaux d'iodosulfate de quinine, dans l'espoir de faire des polarisants pour microscopes. Land échoua là où William avait échoué...

Cet échec lui fit reconsidérer la technique, et il pensa à enduire un matériau plastique, d'un composé agissant comme un cristal. Il réussit à trouver la bonne formule, enduisit une feuille de plastique de plusieurs millions de micro cristaux par centimètre carré. Les cristaux devaient alignés pour agir comme un polarisant (comme le spath d'Islande). L'électricité, puis le magnétisme furent utilisés, puis, finalement, c'est par étirement du support que l'opération fut réalisée. En 1929, l'invention était au point, le brevet déposé et Edwin revint à Harvard pour trois années d'études supplémentaires. Il avait 20 ans...

Son travail impressionna Theodore Lyman, directeur du laboratoire de physique de Harvard. Il confia un laboratoire à Edwin.

En 1932, Edwin fut le premier et dernier non diplomé d'Harvard à y faire une conférence, "A New Polarizer for Light in the Form of an Extensive Synthetic Sheet." !

Au lieu de rester pour obtenir son diplôme, il continua sur son idée et entreprit la fabrication et la commercialisation de son polarisant. Il fonda sa propre compagnie, avec George Wheelwright III, un professeur de physique d'Harvard. Les laboratoires de recherches de General Motors, General Electric, and Eastman Kodak, s'interessèrent au produit. La crise s'amplifiant, les industriels Automobile ne donnèrent pas suite.

En 1934, Kodak devint le premier client, pour la réalisation de ses filtres photographiques. Ensuite, un grand fabriquant Américain de lunettes acheta un complexe verre/polarisant fabriqué par la société d'Edwin. Ce fut l'impulsion qui permit à la petite société de d'Edwin, la Polaroid Corporation en 1937.

Lorsque le pays entra en guerre, George Wheelwright incorpora l'U.S. Navy. Din, quant à lui, songea à une autre façon d'aider son pays. Il recruta les meilleurs jeunes scientifiques d'Harvard, M.I.T. et Smith College et fit ainsi de Polaroid, une vraie compagnie de recherche. La plus grande pièce de la société était la bibliothèque. Land encourageait ses employés à être créatifs, à collaborer et aussi, à ne jamais renoncer ! Sa société eut vite la réputation de tout pouvoir résoudre. L'armée Américaine demanda de plus en plus souvent à Polaroid de les aider sur tel ou tel problème.

Polaroid mit donc au point des lunettes confortables pour les pilotes et les bombardiers, des canopées de cockpit anti-reflet, des viseurs polarisés, et même une machine permettant aux mitrailleurs de bombardiers de s'entrainer en 3-D ! Peut-être un des premiers jeux d'arcades...

La guerre terminée, les commandes s'effondrèrent et la compagnie fut en mauvaise passe. Edwin ne s'attribuait plus que quelques dollars de salaire. Il fallait une idée pour relancer l'activité.

Celle-ci vint durant de courtes vacances...

Selon les paroles d'Edwin Land :

« Je me souviens que c'était un jour ensoleillé, à Santa Fe. Ma petite fille me demanda soudain pourquoi elle ne pouvait pas voir tout de suite la photographie que je venais de faire d'un petit ane. Tout en marchant, je me mis à réfléchir à la manière d'arriver à résoudre l'énigme qu'elle venait de me poser. Au bout d'une heure, l'appareil, le film et la chimie nécessaire à arriver à cette fin étaient clairs pour moi »... C'était en 1944, Edwin Land avait 35 ans, et sa fille Jennifer, 3 ans.

Il ajoute : « C'est comme si tout ce que nous (la société Polaroid) avions fait, apprendre à faire des films polarisants, maitriser les plastiques, les propriétés de divers composés visqueux, fabriquer de micro cristaux, laminer de fines feuilles plastifiées avaient été une école nous préparant naturellement à résoudre le problème du développement photographique « à sec », instantané. En cinq ans, ce rêve devint réalité ».

En réalité, « instantané » est une légère exagération. Le temps de développement dépend de la température ambiante. En intérieur, vous pouviez voir aprés quelques secondes seulement une image peu contrastée apparaître, puis, aprés quelques minutes, le contraste était à son niveau normal. Une rumeur raconte que Edwin ramenait à la maison les prototypes, afin de les faire tester à sa femme, afin de vérifier que les « mères Américaines » parvenaient sans peine à charger l'appareil, suivrent les instructions et obtenir rapidement de bonnes photographies.

Le 21 Février 1947, Edwin Land, fit la démonstration de son appareil instantané, lors d'un congrés de l' »Optical Society Of America ».

Durant l'automne 1938, le Polaroid 95 et le film type 40 étaient en vente au magasin « Jordan Marsh, situé au centre ville de Boston. Il était affiché à 89.95 US$. Le lendemain du Thanksgiving, une équipe de démonstrateurs débarqua au magasin et montra à une foule médusée, des photographies apparaissant en une minute.... Les étagères furent vidées en un temps record, la démonstation cessant lorsque le stock fut, rapidement, épuisé. C'était le bon moment, le bon endroit, et le bon prix. Comme disait Edwin Land, « une bonne invention est vendue en dessous de 100 $. Vous comprenez, on ne gagne pas d'argent en vendant cher aux gens fortunés, pas plus qu'en vendant à bas prix aux gens modestes ».

Précisons qu'Edwin a déposé 535 brevets. Il arrive derrière Thomas Edison qui en déposa 1093... Un des professeur d'Harvard a qui l'on demandait, plus tard, pourquoi Edwin Land n'avait jamais cherché à obtenir son diplôme, répondit simplement : « pourquoi faire ? Il n'en avait pas besoin »...

Harvard lui décerna néanmoins un Doctorat d'Honneur en 1957 !



Le polaroid 800, en 1957.


Bien des points rendent les deux techniques trés différentes, le prix, la reproduction, la conservation , etc, etc. Mais l'idée était là... En 1947.

Commentaires

  1. Anonyme5:46 PM

    Remarquable article d'un narrateur qui ne l'est non moins !
    Amicalement.
    Gafife

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